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[EXCLU] « SAD & HORNY » DE FAI BABA EN ECOUTE

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Sur une échelle de Richter version « Kevin » des mélodies épidermiques, Fai Baba fait vibrer le sismographe Kevin Morby tout en flirtant avec la catastrophe naturelle Tame Impala. Fabien Sigmund (les mêmes initiales que Freud, s’il faut y voir un signe psychanalytique à son âme torturée) balade ses déclarations d’amour en complaintes Timber-Timbresques; mais sans se radicaliser dans la caricature Jacco Gardner.

Les couteaux suisses bricolent un album tirant sur le pathos d’un psyché fantasmé. Ils rêvent de plaines de Sud et, inconsciemment, d’une cure de vitamine D pour s’évader du spleen de l’hiver. Avant de découvrir l’album ci-dessous, on en profite pour rajouter que les Suisses atteindront la West Coast, en France, aux TransMusicales de Rennes, le 2 décembre.

Fai Baba // Sad & Horny // Casbah Records
https://faibaba.bandcamp.com/


Dans l’espace sidéré des singles de Sun Ra

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Sortis par giclées durant les années 50 et plus sporadiquement par la suite, ces 60 premiers singles, pressés en faible quantité, n’ont pas forcément atteint les rayons des collectionneurs. Et c’est l’une des raisons qui en font la valeur, d’autant que la remastérisation semble assez canon. Le commun des mortels, lui, commencera par marcher sur des œufs avant de prendre pied – tranquille – avec ce qui constitue un témoignage des influences primitives du pianiste.

On navigue alors dans un univers jazz old school, doo woop soudainement rompus par des improvisations à fleur de peau ou des envolées bop. Ce qui se détache de l’ensemble, c’est un sentiment de puissance, étonnamment relax, qui s’amuse avec un répertoire jazz qui apparaît alors assez consolidé pour qu’on puisse s’amuser à en éprouver la solidité. Certes, on ne peut certainement pas dire que tout était super pour les gens de couleur dans la société américaine des années 50, mais ces enregistrements témoignent pourtant d’un esprit de liberté curieux et enjoué qui supplante la plainte du vieil esclave enchaîné. Peut-être justement que c’est dans ce genre de contexte que l’Amérique était vraiment à l’avant-garde du changement. Où peut-être simplement, le boom économique et sentiment de sécurité qui s’y rattache y étaient suffisamment puissants pour entraîner un peu tout le monde dans l’optimisme.

Autre sujet d’intérêt de cette première compilation, la présence récurrente des thèmes cosmiques qui permettent de mieux comprendre ce que pouvait être l’obsession de l’époque pour la conquête de l’espace et pour les fantasmes qui s’y rattachent. Du petit lait pour celui qui élaborera par la suite sa fameuse « philosophie cosmique » qui influencera les Residents et le P.Funk de George Clinton. On écoutera notamment le très aventureux Mayan Temple où sont sans doute venu piocher John Lurrie et son Flying Lizards dans les années 80. Pour autant, tout reste globalement très calme dans cette série de 45 tours, qui ne correspond pas vraiment à l’idée que l’on peut se faire d’un Sun Ra perché, idole des hipsters et des grands anciens. Mais c’est peut-être l’intérêt de cette collection : la découverte d’un Sun Ra modeste qui ressemble encore à un Monk et annonce déjà un Madlib.

Sun Ra // Singles volume 1-  1952-1961 // Strut
Vinyl 45 box set (limité à 500 ex. – volume 2 prévu en mars 2017)

http://sunrastrut.bandcamp.com/album/singles

BBMIX #12, LE 26 ET 27 NOVEMBRE

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Fidèle à lui-même avec cette douzième édition, le BBMix squatte le Carré Belle-Feuille pour deux soirs sous perfusion de kraut, de rock, de noise ou de punk. Au programme : Pop Group, Goat, Electric Electric, Fumaça Petra, Piotr Kurek mais également une projection et une exposition. Et pour avoir plus d’infos, c’est ici.

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Rubin Steiner relève les compteurs avec « Vive l’électricité de la pensée humaine »

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Impossible de commencer ce papier sans imaginer à quoi ressemblerait un entretien d’embauche de Rubin, cet inemployable. On imagine la tête du recruteur, dépité, constatant à quel point tout l’intérêt de son curriculum vitae est dans la marge : musicien amateur (et revendiqué) depuis 1998, DJ, programmateur chelou du Temps Machine, sosie de Luz le week-end, théoricien (doué) sur la musique à ses heures perdues. Compétence particulière : être en CDD (Contrat à Durée Discoïde) depuis presque 20 ans, et être capable de livrer tous les ans des albums génialement invendables.

C’est ainsi qu’on en arrive à « Vive l’électricité de la pensée humaine », publié voilà quelques semaines chez Platinum. Du bel ouvrage composé avec dix doigts, un ordinateur et un pied qui tapote. Une fois passé le titre d’ouverture, Spaceship Vs Asteroid Belt, aux consonances musique d’attente téléphonique de l’an 2032, il y a dans ce nouvel album de l’hyperactif Rubin Steiner le parfum d’une double revanche. Revanche personnelle tout d’abord, qu’on analyse comme telle pour l’avoir nous même vécu à l’âge de l’adolescence, sur les danseurs-emballeurs qui raflaient toujours la mise face aux intellos mal dégrossis du bord de piste. Revanche professionnelle, enfin, car après plus de dix ans d’une non-carrière menée de main de maitre et presque autant de disques disparates ressemblant à une portée de chiots transgéniques accouchés à Fukushima, Rubin Steiner est enfin arrivé à dessiner ce qu’on appelle en anglais « the big picture » ; soit un panorama d’influences éclaté et bordélique, à la fois krautrock, minimaliste, électronique, électrique ; et où Sun Ra et James Murphy pourraient se croiser au bar sans que ça ne choque personne.

Au cas où vous n’auriez pas compris, « Vive l’électricité de la pensée humaine » est donc un disque de danse irréfléchie, décomplexée, délicieusement primaire, et qui refuse de se prendre la tête. A croire qu’à l’inverse d’autres musiciens de sa génération qui ralentissent tempo et cerveau (quand ils ne jouent pas leur va-tout avec de la bouillie disco-FM à l’approche de la quarantaine), lui tend vers la simplicité et l’épuration au fur et à mesure qu’il prend de l’âge. Cet air de récréation, déjà palpable avec son projet kraut-ludique DRAME, l’est encore plus sur ce nouvel album droit comme une autoroute, destination Detroit ou Berlin. Une trajectoire finalement proche de celle empruntée par son alter Etienne Jaumet et qui prouve qu’en France on n’a pas de pétrole, okay, mais on a EDF. Et c’est ainsi, fort logiquement, qu’on a tenté de comprendre comment était né ce circuit, toujours aussi alternatif.

Coucou Rubin [l’interview est faite par mail, Nda] Pour les auditeurs qui rejoindraient ta discographie en cours de route, et qui seraient un peu paumés, pourrais-tu nous expliquer comment t’es venue cette idée de musique « exotico-electronique » ?

A vrai dire, je ne sais pas si je pourrais dire qu’une idée m’est venue. Encore moins une idée de musique « exotico-électronique » dont le sens m’échappe, pour être honnête. Les idées, en musique, elles ont souvent tendance à s’énerver dans la queue parce que ça n’avance pas assez vite, et il y en a même certaines qui essayent de passer devant les autres. Et le guichetier, la plupart du temps mal luné, a la fâcheuse habitude de demander un justificatif impossible à obtenir. Pour cet album, il a fallu se lever tôt pour être sûr de pouvoir passer dans la journée. Et coup de chance, la hiérarchie n’était pas regardante : ça a été si vite que j’ai moi-même été étonné, au bout de seulement une poignée de semaines de bonne étoile, que ce disque soit terminé. C’est dans un deuxième temps que j’ai réalisé qu’il était, disons, exclusivement électronique.

« Depuis mon précédent album, « Discipline in Anarchy », je fais enfin la musique que je ne savais pas faire il y a quinze ans. »

De « Drum Major » à « Weird Hits » jusqu’à ce nouvel album, quel est, musicalement et spirituellement, le lien logique? Y’en-a-t-il un, finalement ?

Je vais me permettre de répondre en citant Baudrillard, dans son introduction à Mots de passe et dans les mots duquel je me sens en accord parfait : « Il est paradoxal de faire le panorama rétrospectif d’une œuvre qui ne s’est jamais voulue prospective. C’est un peu comme Orphée qui se retourne trop tôt sur Eurydice et, du coup, la renvoie pour toujours aux enfers. Ce serait faire comme si l’œuvre préexistait à elle-même et pressentait sa fin dès le début, comme si elle était close, comme si elle se développait d’une manière cohérente, comme si elle avait toujours été ». Néanmoins, il y a une chose qui m’apparaît de plus en plus clairement dans ma façon de faire de la musique. Au début, je ne pouvais pas faire la musique que j’avais en tête car je n’avais pas les compétences techniques, en plus d’un certain manque de courage à l’ouvrage. Je faisais donc ce que je trouvais « facile » à faire, en essayant de le faire le mieux possible. Depuis mon précédent album, « Discipline in Anarchy », je fais enfin la musique que je ne savais pas faire il y a quinze ans. Comme une revanche personnelle. Mais ce n’est en rien le lien logique musical et spirituel dont tu voulais que je te parle, car je pense que ce lien n’existe pas en vérité.

Es-tu d’accord avec ce résumé qui consisterait à dire que « Rubin Steiner c’est toujours un peu pareil mais c’est jamais la même chose »? Dis autrement, et si on inclue DRAME, on a l’impression que le chaos qui guide tes choix artistiques, au sens où tu sembles prendre un malin plaisir à aller d’un genre à un autre, de disque en disque.

Plus que le chaos, c’est un endroit caché très loin en moi que j’essaye de faire résonner en faisant de la musique. Un endroit que parfois réveillent des odeurs, des goûts, ou des images, mais c’est les textures sonores, les rythmes ou les mélodies qui ont le plus de puissance pour refaire l’électricité plus aux normes depuis longtemps du grenier de mon subconscient. Et c’est d’ailleurs au rayon du hasard plutôt qu’à celui du chaos que je vais faire mes courses quand je commence un nouveau chantier. Le hasard permet d’observer le paysage sur le chemin, contrairement au chaos qui impose de regarder tout le temps là où on met les pieds.

« J’ai longtemps cru qu’on était « obligé » de chanter sur un disque »

Comprends-tu que les mauvaises langues (j’ai les noms) puissent te taxer d’opportuniste saisissant chaque nouvelle tendance musicale pour te l’accaparer ? Tu leur réponds quoi à ces f** ¨de p*** ?

Déjà, même pour rire, je n’insulte jamais les gens. Ensuite, je veux bien les noms. Enfin, je pourrais répondre que l’opportuniste ne s’accapare pas les choses juste pour le plaisir, mais bel et bien pour « en profiter » d’une manière ou d’une autre. Les mauvaises langues, comme tu dis, se font une idée de mon « profit » qui est probablement bien loin de la réalité, voire complètement à côté de la plaque. Franchement, si j’avais du être un opportuniste, je n’aurais pas pris ce(s) chemin(s). Néanmoins, se faire taxer, même injustement, d’opportuniste qui s’accapare les nouvelles tendances me rassure sur un point : je ne suis donc pas encore has-been. Bien entendu, j’espère que tu as compris que je voulais non pas les noms de ces gens, mais les noms des ces fameuses nouvelles tendances musicales que je m’accapare, pour savoir de quoi on parle.

On a l’impression depuis quelques années que tu as délaissé les guitares pour te livrer à une passion 100% analogique et synthétique. Comment expliques-tu cette infidélité à la six-cordes ? (Putain on dirait un question rock & folk). Quel a été le déclencheur ?

Merci d’avoir remarqué. En réalité, je ne me suis jamais fais jouir en jouant de la guitare (et je pense pouvoir affirmer que je n’ai du jamais faire jouir personne en jouant de la guitare – il y a même, au bout du compte, que très peu de guitare sur mes albums). Exactement comme avec le chant (je parle du mien). Si j’ai joué de la guitare, c’est uniquement parce qu’au départ c’était le seul instrument dont je maitrisais à peu près les rudiments, et j’ai longtemps cru qu’il était « obligé » de chanter sur un disque, ce qui est un des trucs les plus cons que j’ai pu penser. La dernière fois que j’ai chanté, c’était sur « Discipline In Anarchy », en 2012, et je le regrette encore aujourd’hui. J’en ai vraiment honte. Pour la guitare par contre, je suis en train d’y revenir, je ne l’ai pas revendue, mais je ne l’enregistrerai à la seule condition que j’arrive à ne pas faire de la guitare avec. Et vu que ça ne fait pas partie de mes priorités, je pense que vous pouvez continuer de vivre normalement en attendant.

« La triste réalité de ce disque de 2016 est qu’il a été intégralement fait avec un ordinateur ».

Peux-tu nous faire rêver la liste des synthés utilisés sur ce disque ? 

La magie de la musique, c’est qu’on entend souvent, et peut-être malheureusement, ce qu’on a envie d’y entendre. Sur cet album, je n’ai utilisé aucun synthé. Et je te promets que je suis sincèrement désolé de briser tes rêves analogiques. Bon, j’aurai pu dire que sur « Mars Murderer » et « Solar Eruption Around Venus », qui sont les deux seuls morceaux que je n’ai pas fait pendant ces fameuses trois semaine d’ultra-création, il y a peut-être un vrai synthé qui joue (mais je n’en suis plus très sûr au bout du compte, ces deux morceaux datent de 2010 et je ne me souviens plus du tout comment je les ai faits). La triste réalité de ce disque de 2016 est qu’il a été intégralement fait avec un ordinateur, et donc des synthés virtuels, qui pour info se jouent exactement de la même façon que des vrais synthétiseurs, qui n’ont d’ailleurs de vrai que la boîte et le clavier dans lesquels ils sont assemblés. En disant ça, je réalise que je considère que ce qui est vrai doit pouvoir se toucher – je vais pas en dormir de la nuit. Pour être sympa, je vais t’avouer qu’il y a quelques traces vraiment anecdotiques de « vraies » boîtes à rythmes qui se touchent (TR 808 et TR 707) et quelques parties de « vraies » congas également. Sinon ce ne sont que des percussions synthétiques, ou numériques, ou je sais pas quoi (je ne sais pas comment on dit, de la synthèse quoi), comme sur Uranus Samba par exemple.

Je repense à une question que j’avais jadis posé à Dinosaur Jr, et que je te livre telle quelle : « un exemple de truc technique à côté duquel l’auditeur lambda passera sur «  Vive l’électricité de la pensée humaine »?

Je ne sais pas… quoique, si en fait. Pour la toute première fois de ma vie, j’ai fait de la musique avec un ordinateur sans essayer d’obtenir un « rendu » qui pourrait évoquer des « vrais » instruments. J’ai laissé tomber cette quête il y a quelques temps déjà, à un moment où j’ai réalisé que l’objectif de faire sonner une boite à rythme comme une batterie ou de faire croire à un vrai bassiste alors que je me contentais de jouer trois notes pour nourrir un sampler étaient complètement absurde. Pour la première fois, j’ai vraiment écouté la musique que je jouais sans me dire qu’elle devait absolument sortir d’un instrument, ou même qu’elle sortait simplement de quelque part. Je n’ai pas pensé au geste, la liaison était directe, un simple aller et retour sans étape entre mon cerveau et la musique qui sortait des enceintes (une ligne sans pause café entre le départ de mes doigt et le retour à mes oreilles on va dire).

« L’espace est le dernier lieu de mystère, de magie, de fantasme, de déterminisme absolu et de spéculation de la pensée ».

Et sinon, pour répondre à cette question et aussi à une autre un peu plus haut, à part le premier morceau qui est un petit hommage tendre et personnel au space-age pop 50’s dont je raffole, il n’y a absolument aucune influence ni référence quelle qu’elle soit sur ce disque. Je n’ai essayé de copier ni m’inspirer de rien ni de personne. Cette musique, pourtant faite à l’aide de l’ordinateur dont je me sers pour répondre à ce mail, est la plus spontanée et immédiate que j’ai jamais faite. Je dis ça parce que je suis souvent désarçonné par les références que les gens (ou les chroniqueurs) collent à mes morceaux, tout comme cette question de la technique qui, selon moi, ne fait que tirer vers le banal l’heureuse magie de la création. Il n’est question dans ce disque que de danse et d’abstraction, rien de moins, et rien de plus surtout. D’ailleurs, si j’ai placé les titres des morceaux dans l’espace, et nommé l’album d’une phrase de Dostoïevski qui ouvre grand les fenêtres, c’est justement pour ne pas avoir à me justifier d’une technique, parler matos, parler références, parler corpus ou « œuvre », et encore moins parler d’intention. De la danse et de l’abstraction, point barre. Juste les deux choses qui sont, pour moi, les vecteurs ultimes d’émotion et de pensée. Et puis l’espace, c’est pas quelque chose que je prends à la légère. C’est quand même le dernier lieu de mystère, de magie, de fantasme, de déterminisme absolu et de spéculation de la pensée. Si j’ai volontairement associé cet album au cosmos, depuis son écriture jusqu’à l’histoire graphique qu’il raconte, c’est précisément pour alléger l’esprit de l’auditeur, peut-être pour mieux le toucher au corps, et le détourner de tout imaginaire lié au processus de création, de l’intention du geste de départ et surtout, je crois que tu as compris l’idée, de ces satanés synthétiseurs dont le culte me coure sérieusement sur le haricot.

Rubin Steiner // Vive l’électricité de la pensée humaine // Platinum
http://www.platinumrds.com/fr

En concert le 17 décembre à la Maroquinerie avec Black Devil Disco Club, DRAME (tiens tiens!) et Pointe du Lac. (Gonzaï Night)

BDDC

[EXCLU] 48H AVANT LA REVOLUTION DE PERRINE EN MORCEAUX

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Si Le Tigre a composé en soutien à Hillary, Perrine, elle, marche au pas vers une révolution au goût d’abstention. Sur fond de kraut-indus, Perrine Bailleux sort un clip qui ressemble à une invitation pour l’after d’une primaire ratée. 48H avant la révolution est un hymne à l’abstention ou une oraison funèbre et c’est donc un tube à écouter au casque dans la file d’attente avant l’isoloir pour voter: « Rien ».

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Les poussières d’étoiles de Bad News From Cosmos

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Dans un ouvrage célèbre publié au Seuil au milieu des années 80, l’astrophysicien Hubert Reeves, passé maître en vulgarisation scientifique, défend la thèse selon laquelle nous serions tous des « poussières d’étoiles ». Selon lui, nous serions constitués des mêmes atomes que les étoiles, et notre existence serait directement liée à leur extinction. C’est tenir le genre humain en haute estime : s’il avait pris un jour les transports en commun aux heures de pointe, il aurait constaté, de façon empirique, que pas mal de gens sont en fait constitués de poussière de merde. Passons. Le nouvel album de Bad News From Cosmos, intitulé « Minn Sjó », possède une dimension cosmique, en lien avec la « musique des sphères » dont les penseurs de l’Antiquité avaient l’intuition.

D’un millénaire à l’autre, la musique est pensée comme une porte d’accès (comme dans Stargate avec la porte des étoiles) à une sorte de principe ordonnateur, reflet de l’ordre du monde. Pour les Grecs, cette théorie possède une dimension physique, géométrique, illustrée par les lois pythagoriciennes : il s’agit de trouver la mesure du monde, la musique faisant nécessairement écho aux dimensions de l’univers. Ici, c’est le versant mystique qui domine. La quête spatiale traduit le surnaturel, le mystère, et par là même tout ce qui échappe à l’entendement humain. L’atmosphère qui s’en dégage n’est d’ailleurs pas tout à fait étrangère à celle des films d’anticipation, dans la veine de Blade Runner par exemple, sans être totalement dysphorique.

Assez logiquement, le synthétiseur est l’instrument qui fait écho à cette fantasmagorie spatiale. L’invention même des premiers modèles commercialisés coïncide d’ailleurs à peu de choses près avec les premiers pas de la conquête spatiale. Toutefois, un subtil jeu des sept différences s’établit par rapport à la kosmische musik théorisée par Tangerine Dream au début des années 70 : déjà parce qu’ici le format court est privilégié, la miniature plutôt que la suite ; ensuite en raison de la voix, aussi timide soit-elle, qui s’y affirme comme la trace d’une présence humaine. L’homme est mis au premier plan ; ses angoisses, ses vertiges, son rapport à l’autre.

La musique de « Minn Sjó» est donc stellaire, cosmique au sens littéral : le thème des étoiles ne semble pas simplement décoratif ; il rend compte d’un rapport singulier au monde qui se traduit par l’évitement, l’esquive, la fuite. La chanson Kosmadomamama l’exprime clairement : s’affranchissant des lois de la gravité, le corps s’enfuit hors de son assignation terrestre, et contemple le monde au-dessus des nuages, à la façon d’un satellite. L’espace, c’est le lieu de la fuite, de la soustraction au monde. Si cette musique est « planante » c’est bel et bien parce que la pesanteur ne s’y exerce pas comme sur terre. Dans le morceau Tsunami, la voix est en retrait, presque indistincte, et chante la catastrophe sur le mode de la comptine. Le tsunami se transforme en cure thermale, et toute la violence potentielle du titre est évacuée, domestiquée par une voix qui murmure, qui se cache. Le tsunami, c’est le nouveau bain à remous. Or dans l’eau, comme dans l’espace, on s’imagine plus léger, flottant, on se meut différemment, on s’abandonne comme Loana. Le flottement, c’est peut-être le maître-mot de cet album, dont le titre (merci Google Trad) signifie « Ma mer » en Islandais.

Contrairement aux précédentes sorties du groupe, dans lesquelles, comme dans le bortsch, il y avait à boire et à manger, ici, zéro déchet. Leur précédent album, « Loversgrove », sorti sur Anywave en 2015, témoignait déjà d’une maîtrise indéniable des ambiances et des textures, mais sans cette assurance, cette impression d’évidence qui se dégage de leurs nouvelles compositions. Chaque morceau ou presque (sauf Losers, un peu raté, mais ça n’a pas gâché mon plaisir) est mémorable et entêtant. Jetez-vous dessus, c’est en écoute terrestre ci-dessous, et ça va bientôt tourner sur les tous tourne-disques martiens.

Bad News From Cosmos // Minn Sjó // Anywave Records
Sortie le 29 novembre 2016 (CD et numérique): https://anywave.bandcamp.com/album/minn-sj
Crédits pochette : Julien Carreyn & Myriam Barchechat.

Cosmos

OFF WORLD Les stratégies obliques du disque « 1 »

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C’est un album dont on aurait eu du mal à s’imaginer qu’il sorte un jour, preuve que tout est possible. C’est que la liste des musiciens qui ont participé à son écriture m’évoque dans le meilleur des cas un vague souvenir (Zongamin, Mickey Moonlight, Eric Chenaux), ou alors rien du tout (Drew Brown, producteur du premier Lower Dens, Craig Dunsmuir, Jesse Zubot). Au-dessus, celui dont on parle le plus quand on creuse un peu le cas d’Off World, c’est Sandro Perri, plus connu pour sa reprise de 28 minutes du Kiss Me Again d’Arthur Russell que pour ses autres projets sous son nom ou ceux de Polmo Polpo et Glissandro 70. Mais passons. Retenons juste qu’il est un des noms récurrents sur le catalogue Constellation, qui promet deux autres disques d’Off World dans les deux ans à venir.

La musique donc, est difficile à expliquer. Ça flotte, ça souffle, c’est chaud et fascinant. Puisqu’elle paraît plus souvent découverte sur le tas, autant par les musiciens qui la jouent  que par l’auditeur, on pourrait vite sortir son col roulé et décrire le monde imaginaire qu’évoque « 1 » en fumant sa pipe. Des sonorités sans âge qui auraient aussi bien pu être enregistrées dans les années 1950 qu’en 2016. Pas de doute que la musique d’Off World présentée ici donne envie d’attendre la suite. Et le mieux à faire, vous l’aurez compris, est d’écouter ce disque pour voir si ça vous plaît ou pas.

Alors, pourquoi parler de ce disque ? Sandro Perri et ses amis viennent de reprendre le flambeau d’une série de disques évanouis dont j’aurais adoré écouté la suite et que j’ai longtemps cherchée. Aussi simple que ça. Avec « 1 », ils mettent Jon Hassell et Brian Eno en pantoufles, envoyés au coin. C’est une montée aussi passionnante que « Fourth World vol.1 : Possible Music ». Largué par Eno parti reprendre les idées du trompettiste avec David Byrne (« My Life In The Bush of Ghosts »), le trompettiste remettra le couvert avec un second volume, « Dream Theory in Malaysia », sans parvenir à retrouver le souffle du premier. Sans concept, en connaissant l’histoire de la série à l’avance et vu la liberté qu’évoque « 1 », on a au moins peu de chances d’être déçu !

Off World // 1 // Constellation
http://cstrecords.com/cst117/

Les Yeti Lane passent School Daze au karcher anglais

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Réponse avec le titre à écouter juste en dessous, après avoir (re)lu l’interview de Thibault Picard de School Daze consacré à sa passion pour les synthés et, bien sûr, avoir gobé tous les acides de l’armoire à pharmacie de ta maman.


69 refroidit la planète avec « The Hanged Man », nouveau titre d’un nouvel album supra-glacial

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On ne voudrait pas casser l’ambiance, mais les récentes prises de température au pôle Nord témoignent d’un réchauffement accéléré de la planète Terre (+20°C par rapport à la période 1958-2012). Voilà. Maintenant que plus personne n’a envie de tomber la chemise, on peut aborder le troisième album de 69, « Heroic », sans avoir à s’exciter sur ce terme coldwave qui, dans un monde complètement déréglé, peine de plus en plus à cacher que les musiciens catalogués dans ce sous-genre n’ont jamais été capables de programmer correctement une boite à rythmes.

Dans le cas de 69, dont le précédent « Adulte » continue d’être un thermos idéal pour la joie et le bien-être, le thermomètre continue de descendre, encore et encore ; au point qu’on en arrive à se demander comment le couple fait pour continuer d’avancer tant le froid règne autour d’eux. Au programme : Mister Freeze parfum menthol, révolution binaire sur rythmes orientaux (l’excellent Black Crate) et ambiance PME puisque c’est Sacha, le fils d’Armand et Virginie, qui pose de manière vindicative sur la pochette. Quand on sait que le groupe frigorifique vit encore à Béziers, là où les esprits s’échauffent grâce à Robert, il y a de quoi se dire que le monde ne tourne plus vraiment rond. En ce qui concerne 69, par contre, leur nouveau disque devrait, comme la position sexuelle, bien vous mettre la tête à l’envers.

69 // Heroic // Le Turc Mecanique
https://leturcmecanique.bandcamp.com/album/heroic

Release Party le 30 novembre à Petit Bain.

69 - Heroic (petit)

ALPES, HYPERCULTE ET TURZI ELECTRONIQUE EXPERIENCE LE 21 JANVIER A LA MAROQUINERIE

Schlaasss : « On fait du rap catholique de droite »

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Ah oui, on a oublié de préciser que pour galvaniser les foules prêtes à danser torse poil sur des parkings Franprix, Schlaasss nous offre pour l’occasion un nouveau morceau en exclu, Thug Lilith. Si toi aussi tu rêves d’une France couleur fluo atomique en 2017, c’est le moment de cliquer ici pour réserver ta copie chimique de « Casa Plaisance ». 

Bon alors, c’est quoi cette connerie d’auto-tune sur Thug Lilith ? Un foutage de gueule à la tendance du faux-chanté ? Dédicace à PNL pour surfer sur la vague ? 

Daddy Schwartz : C’est juste une façon de se démarquer du slam tout en surfant sur la vague Riot girl. PNL c’est un nouveau matériau pétrochimique ?

Charlie Dirty Duran : C’est à cause du fait que je suis folle amoureuse de Young Thug, alors je le copie. Et puis quand tu sais ni chanter, ni rapper et qu’en plus t’es une femme, bah pour faire croire que t’as des grosses couilles et que c’est toi le patron c’est bien pratique l’auto-tune. C’est pas ma petite tapineuse de Booba qui dira le contraire.

Plus sérieusement, comment en êtes-vous venus à lancer cette preco’ pour le nouvel album ? Pas trop difficile à gérer quand on connait votre position anti-système ? Et comment réagissent vos fans ? 

Daddy Schwartz : Chacun doit trouver sa voix et se gaver de séries sous Tranxene © ; on l’a déjà fait alors on change un peu la routine et personne ne peut reprocher ça.

Charlie Dirty Duran : Et puis qui t’a dit qu’on était anti-système ? On fait du rap catholique de droite, on est totalement dans la vibe du moment. C’est pour ça qu’il faut pré-acheter notre album. Sinon tu vas avoir des problèmes avec Dieu et la police.

« Ce qu’on peut attendre du nouvel album ? Plus qu’une reformation de Téléphone et moins qu’une bonne fondue.« 

À quoi peut-on s’attendre avec ce nouvel album ? 

Daddy Schwartz : On peut en attendre plus qu’une reformation de Téléphone et moins qu’une bonne fondue. Ça sera un album dans la continuité de notre quête perpétuelle de la félicité. Il s’appelle donc « Casa Plaisance » parce qu’on l’a enregistré à la Villa Médicis en buvant des Bloody Mary au bord de la piscine remplie de dauphins.

Charlie Dirty Duran : C’est un album à destination des animaux, parce qu’ils sont plus sympas et plus rigolos que les humains. On vise donc un public français urbain : chats, rats, pigeons, mouches… Pour l’international, les lions, les éléphants, les mygales, tout ça, faudra attendre le prochain EP.

Vous avez très justement parlé d’album de la maturité pour booster les ventes. Bon, du coup, c’est quoi la maturité sauce Schlaasss ? 

Daddy Schwartz : C’est comme un bon guacamole, si tu oublies le piment et le citron vert, il manque un truc.

Charlie Dirty Duran : Mieux vaut une MILF expérimentée un peu fripée mais gourmande, qu’une jeune pétasse Instagram jolie et épilée mais chiante comme ses Stan Smith.

Le nouvel album de Schlaasss est en préco sur Kiss Kiss Bank Bank jusqu’au 8 décembre. Magnez-vous ou soyez transformés en version Pokemon de Jean-Pierre Raffarin : https://www.kisskissbankbank.com/schlaasss-album-de-la-maturite

John Cale, en fragments recomposés

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La première fois que j’ai entendu parler de cet album, c’était il y a précisément dix ans. Son nom, pas forcément le plus évident de la discographie de sieur Cale, fut prononcé avec admiration par celui qu’on nomme Alister, que je rencontrais alors à l’époque pour l’une de ses premières interviews : « Tu connais Fragments of a rainy season ? Dans le genre, c’est vraiment un disque mormon, magistral. » Votre serviteur, encore moins cultivé qu’aujourd’hui, n’avait pas pipé mot. La carrière de John Cale, il n’en connaissait pas grand-chose hormis un « single » (Paris 1919) et des pochettes toutes éclipsées par Lou Reed, le Velvet et la cacophonie ambiante. Le bonhomme même, son ombre portée sur le rock depuis ses débuts, tout cela lui avait jusque-là fait le même effet qu’un répulsif ; sans parler du mythe brisé depuis ce soir de 2005 où Cale avait exigé d’un spectateur du Café de la Danse qu’il éteigne fissa sa cigarette – on pouvait encore fumer indoor à cette époque – sans quoi le vieux rabougri menaçait de quitter la scène, direct. Ceux ayant grandi avec l’image d’Épinal du groupe Destroy matraquant Venus in Furs dans la plus furieuse des débauches en étaient tombés de leurs chaises. Et ce fut mon cas, aussi.

Dix ans ont passé, vingt-quatre si on s’en tient à l’année de l’enregistrement de ce premier live officiel capté en différents endroits tout au long de l’année 1992. Le qualificatif « mormon », avec le recul, est un mot intelligemment choisi. Il exprime parfaitement ce qui rend « Fragments of a rainy season » si différent du reste de la discographie de Cale et pourquoi ce qui n’aurait dû être qu’un tour de chant de fin de carrière, s’est transformé en sobre résurrection, puis en ligne de démarcation tracée dans la terre entre l’avant (les vestiges du Velvet) et l’après (les récents concerts de Cale en bermuda). Un piano, une voix, une coupe au bol. Rien de plus ou presque en 1992. Ah si, le génie à poil porté par une pochette des plus minimalistes, dont le seul trait de fantaisie est une citation du Macbeth de William Shakespeare :

« – Il devrait pleuvoir demain
– Et bien, qu’il pleuve.
»

Passée la fine averse, maintenant le déluge. Le tracklisting original, soit vingt chansons, s’apparente à une revisite du répertoire historique tel que souvent joué par des artistes souhaitant se libérer d’un contrat-fardeau avec une maison de disques un peu trop collante ; mais c’est un leurre. Fidèle à ses habitudes, John Cale massacre ici tout ce qui pourrait s’apparenter au succès en empruntant volontairement le versant le plus escarpé du succès. La planète s’ouvre au capitalisme pop décomplexé par le biais des MTV Unplugged, inauguré quelques mois plus tôt (août 1992) par un Eric Clapton fringué comme un VRP en mocassins. Le Gallois, moins bavard qu’une porte de taule condamnée, y répond par un live épuré jusqu’à l’os, sans artifices et en arborant pour l’occasion cette coupe inédite de moine flamand sorti d’un tableau de Jérôme Bosch. Ce même monde post-gériatrique crève de voir le Velvet se reformer durablement, comme à la Fondation Cartier en 1990 ? Lui élude toute reprise de son binôme avec Lou Reed, exception faite du formidable Style it Takes, extrait de l’hommage à Warhol publié deux ans plus tôt. Quant à savoir si « Fragments of a rainy season » est un génial coup marketing sensé remettre en selle un artiste sur le déclin auprès d’une audience de grabataires, faudra s’asseoir les deux fesses en arrière et regarder passer le lent wagon : l’album original s’ouvre sur l’adaptation du poète Dylan Thomas, Child’s Christmas in Wales, déjà publiée en 1973 sur « Paris 1919 », et se conclue sur la reprise du désormais très pénible Hallelujah de Leonard Cohen, à l’époque pas encore popularisé par Jeff Buckley ni Rufus Wainwright pour ce dessin animé pour gros bébés qui refusent de grandir (Shrek). Pour le dire simple, c’est pas vraiment l’idée du casting idéal pour se payer une baraque à Malibu – Cale et Reed l’ont d’ailleurs sciemment refusé en se brouillant juste avant d’enregistrer un MTV Unplugged du Velvet Underground aussi vite reformé qu’il fut, déçu, dissous.

Finalement, si « Fragments of a rainy season » peut être comparé à un autre disque live, c’est étonnamment au « En solitaire » de William Sheller (ne raccrochez pas), publié lui aussi quelques mois plus tôt. Dans un ton très visite de Broadway sous Xanax, les deux abordent leurs répertoires en spéléologues aquoibonistes, armés pour cela du modeste piano-voix, soit l’exercice le plus impitoyable pour révéler l’ossature des chansons et faire sortir le squelette mélodique du placard à souvenirs. C’est ce dépouillement, cette génuflexion quasi chrétienne – au sens de la foi qu’elle inspire – qui fait de chacun de ces albums, dans des styles différents, un moment de recueillement qu’on écoute en écrivant sa lettre de suicide/démission/rupture (rayez la mention inutile). Pas vraiment, encore une fois, l’idée qu’on se fera d’un disque festif à passer entre amis trentenaires. À l’image de Cordoba, formidable morceau sous-estimé d’un disque qui n’a pas fait carrière (« Wrong Way Up » avec Eno, pochette abominable réalisée par un aveugle en détention), c’est mormon, plombant, insoutenable à écouter à plusieurs, lourd comme un ciel prêt à vous pisser dessus et c’est en définitive, même vingt ans après sa sortie, le triste disque de Noël par excellence, celui des célibataires qui fêtent le 24 décembre avec un buffet à volonté chez Flunch (l’épique reprise du Buffalo Ballet de 74, initialement publié sur « Fear ») en reluquant les dix kilos superflus de la serveuse.

Un disque mormon, donc. C’était vraiment bien trouvé, ce mot. Cette musique de chambre, pourtant jouée au pire moment – le début des années 1990 – pour les quelques dinosaures rescapés des sixties, ne souffre aucunement des quelques inédits qui composent la réédition : la reprise de I’m waiting for my man est impeccablement jouée, elle est à la fois méconnaissable et expédiée comme une lettre aux impôts ; celle d’Amsterdam (« Vintage Violence », 1970) jouée avec le timbre de stentor qu’on connaît à Cale et celle de Antartica Starts Here, extraite de « Paris 1919 », enrichie par des cordes et une pedal steel à contre-courant, sonne comme un fondu au noir parfait pour ce disque qui reste indémodable. A hard rain’s gonna fall. Again.

John Cale // Réédition « Fragments of a rainy season » // Sortie le 9 décembre chez Double Six / Domino

LESCOP & LA MAIN LE 15 DECEMBRE À LA COOPERATIVE DE MAI

BLACK DEVIL DISCO CLUB, DRAME, RUBIN STEINER & POINTE DU LAC LE 17 DECEMBRE A LA MAROQUINERIE

BARS EN TRANS 2016 Quand l’indie prend les rênes

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Salut Philippe, raconte-nous un peu comment ont débuté les Bars en Trans.

Figure toi que les Bars en Trans, sous cette forme de « off » du festival, ont déjà plus de 30, voire 35 ans. Même avant ça, les Transmusicales l’organisaient, du temps où les concerts avaient encore tous lieu en centre ville, autour de la salle de la Cité. Ca s’appelait les Apéros Trans et ça jouait dans une vingtaine de bistros autour de la Cité. Et puis dans les années 90, vers 94 si mon souvenir est bon, sont apparus les Bars en Trans sous la forme qu’on connaît aujourd’hui. Depuis 1996, c’est l’association 3 P’tit Tour qui l’organise. Et donc pour te répondre, moi j’y suis depuis 98-99, et à la programmation depuis 2003.

On pourrait poser la même question à Jean-Louis Brossard [l’indéboulonnable manitou des Trans, Nda] mais comment arrives-tu tous les ans à programmer autant de groupes, sans jamais te répéter ?

Toute l’année, disons qu’un tiers de mon cerveau est en repérage, que ce soit à l’Espace B, au Glazart en plein mois d’aout, etc etc. C’est aussi une histoire de réseaux, car l’objectif des Bars en Trans, c’est d’être une focale sur toute l’actualité du live, quelles que soient les esthétiques défendues. Ma première préoccupation, en tant que programmateur, c’est de m’adapter aux lieux [de Rennes, Nda] où sont programmés nos concerts, ils ont tous une histoire, une identité musicale. A l’Artiste assoiffé, par exemple, il faut programmer du Garage. J’essaie toujours de me mettre dans la peau du spectateur. Et après, il y a mes propres goûts musicaux… je te laisse te démerder pour les trouver dans la prog, ahah ! C’est peut-être pas forcément votre came, mais il y a par exemple cette artiste que je suis depuis longtemps, Clara Luciani, j’aime aussi la variété, c’est dans ma culture.

Puisqu’on parle de culture, parlons de Jardin, le groupe. Peux-tu nous expliquer comment tu l’as découvert ?

Ca doit être en regardant des vidéos sur Youtube, et puis je suis très attentif au travail du label [Le Turc Mécanique, Nda] qui a sorti l’album.

Quid de Cannibale, qui sortira l’année prochaine son album chez Born Bad ?

Là c’est autant une vieille histoire d’amitié avec Born Bad que le hasard d’un soir où je croise JB [Wizzz] qui me file l’album en question, et comme ça m’a vraiment plu, il n’y avait pas trop de questions à se poser.

Combien de groupes sur l’édition 2016 des Bars en Trans ?

Euh, 106. L’année dernière on devait être à 94, donc 2016 devrait être le record absolu, on n’ira pas plus loin, ahah ! C’est beaucoup de travail pour les équipes techniques, et même si c’est pour moi presque plus de l’ordre du bénévolat, c’est toujours le résultat d’une année de travail, ça fait parti de mon sang, mon corps et je suis toujours sur le qui-vive.

Tu me disais que l’objectif des Bars En Trans était de prendre une photo instantanée du live, mais n’est-ce pas aussi la mission des Transmusicales ? Traduction : comment faites-vous pour ne pas vous marcher dessus ?

La différence c’est que nous ne programmons quasiment pas d’artistes internationaux ; c’est très francophone, voire francophile – comme l’année dernière avec le focus sur le Québec. Après il est vrai qu’il y a de plus en plus d’artistes français sur les Trans, c’est vrai…

Tu me vois venir mais on peut à force croire que vous êtes en concurrence avec les Trans’, pas forcément évident de s’y retrouver, non ?

Ouais… disons que c’est à la limite une saine concurrence. Cette année, il y a par exemple cinq artistes français programmés au Trans’ que j’aurais bien aimé avoir. Plus globalement, il y a un public qui a besoin des Trans, parce que c’est dans l’ADN de la ville, il y a ceux qui veulent prendre de la dope, d’autres de picoler, il y a de tout ; et nous sur les Bars En Trans on capte un public légèrement différent, un peu plus vieux. L’idée est toujours de faire découvrir des groupes à un public qui majoritairement n’en connaît un, c’est tout le charme de Rennes, à cette période. C’est un scenario original, et ça fait 40 ans que ça dure…. Bon et sinon elle est passée chez nous la fille dont tu parlais récemment.

Hein, quoi ?

Cléa Vincent, aha ! Et son concert était vachement bien.

Quittons-nous là dessus alors.

http://www.barsentrans.com/
Dernier soir ce samedi 3 décembre avec Woodini, Alan Corbel, Clara Luciani, Lafayette ou encore Le Comte


LE POSITIVE EDUCATION PRESQUE COMME SI VOUS N’Y ETIEZ PAS

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Figure toi que ce festival, c’est aussi un peu du tourisme ! De la cité du design au charmant kiosque de la place Jean Jaurès où je me souviendrai de la démonstration de djing à 6 mains par les Pilotwings et Sacha Mambo, en passant par le typique palais des spectacles, j’ai découvert la belle Saint Etienne, charmante et pluvieuse. Une certaine idée du festival (implantation locale, mise en avant de la scène, line up ambitieux) qui renvoie bien vite au Baleapop. Pas de hasard, les deux festivals sont copains, et le duo de DJ à l’initiative du Positive Education, Les Fils de Jacob, était à l’affiche du festival cet été. Réciproquement, les affiliés au Baleapop d’Acid Fortwins et Mu’tammar jouaient cet année. La famille au sens large, comme avec le label BFDM, des voisins de Lyon, qui était bien représenté (et à raison !). Pas des blagues en somme, ce festival c’était le séminaire automnal de la techno. Une belle photographie de la scène et du genre, sous toute ses formes : le tutélaire label L.I.E.S, et Nick Klein dont le live a clôt le festival sur un point d’orgue, le label UK bass Livity Sound ou les plus indus Mannequin et Contort Yourself.

En bref, de là où je t’écris les nuits sont courtes, mais les jours sont doux : pas de répit, le festival équilibre sa programmation de Off dans des lieux atypiques de la ville. C’est peut-être ces moments que j’ai préféré : Alessandro Cortini jouant dans un cinema, mis en image par l’impressionnant VJ du festival, Malo, ou l’après-midi dans le squat Ursa Minor (déjà mon endroit préféré en ville !!), dont la salle de concert devrait se souvenir longtemps de l’enchaînement Judaah-Basses Terres-Simo Cell : le meilleur moment du festival.

En terme de famille, on s’est vraiment sentis à la maison. Pour tout te dire, moi à la toute fin du festival je sautais dans les bras du chef de la sécurité et je lui disais combien ça nous mettait à l’aise, des gars qui travaillait dans la sécurité plutôt que dans l’hostilité. Mais ça c’est quelque chose que l’équipe organisatrice a bien compris.

Sur le podium : Simo Cell et une moitié de Pilotwings, comme dabbe.

Sur le podium : Simo Cell et une moitié de Pilotwings, comme dabbe.

Celui-ci a un peu gagné aussi.

Celui-ci a un peu gagné aussi.

Judaah qui cherche un mouchoir en urgence.

Judaah qui cherche un mouchoir en urgence.

Une festivalière visiblement très contente d’être là.

Une festivalière visiblement très contente d’être là.

Bambounou qui joue aux legos pendant son set, pour se détendre.

Bambounou qui joue aux legos pendant son set, pour se détendre.

Le meilleur chef de la sécu, qui prend la pose à côté de mon doigt.

Le meilleur chef de la sécu, qui prend la pose à côté de mon doigt.

Acid Fortwins ; musique sombre, souvenirs flous… nan je déconne tatie.

Acid Fortwins ; musique sombre, souvenirs flous… nan je déconne tatie.

Willie Burns, on dirait mon père quand je lui prête mon smartphone.

Willie Burns, on dirait mon père quand je lui prête mon smartphone.

Un clip inédit d’Anna dans les annales

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On vous avait déjà parlé du précédent album d’Anna, décrit par Martin, le leader, comme étant du « DIY inaudible ». Une appellation qui lui colle plutôt bien à la peau tellement ses inspirations partent dans tous les sens. Seul à composer dans sa chambre tel un poète maudit (ou un étudiant, pour le côté pop de chambre), il s’essaye à diverses sonorités et se laisse aller à l’expérimentation du bidouillage acoustique. Tantôt garage énervé, tantôt folk mélodique, son œuvre bordélique est toujours guidée par la voix d’Anna ; passée sous un crible de distorsions.

Comble de cette démarche lo-fi à l’ère du tout numérique, ses albums existent à ce jour exclusivement en format cassette. Même pas en version digitale, ni sur Spotify. Walou. Un plaisir profitable uniquement si vous possédez une vieille Peugeot 106 avec fenêtres à manivelles et climatiseur en option. Ou un walkman.

Surfant sur cette vague du vintage, Anna refait surface avec un clip entièrement fabriqué de pâte à modeler qui en ferait presque baver les créateurs du studio Aardman.

https://howlinbananarecords.bandcamp.com/

https://unjenesaisquoi.bandcamp.com/

ANNA ALBUM COVER FRONT internet RVB loow

AMOUR POUBELLE classe éco-tranquille

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Nous interrompons nos programmes pour vous dévoiler en exclusivité les premières estimations de ces primaires de la pop française deux mille seize. Qui marchera dans les pas de Daho, Fontaine et Katerine ? En dernière position, avec seulement 3% des vois, les Pirouettes n’auront pas su mobiliser leur jeune public, trop occupés à réviser le bac pour aller jusqu’aux urnes. Une surexposition médiatique a été fatale pour la Femme qui n’a réussi à convaincre que 10% d’électeurs. À l’inverse, c’est un manque de notoriété qui a joué en défaveur du pourtant talentueux Forever Pavot, récoltant tout de même 12% de fidèles. Le grand favori était bien entendu Flavien Berger, « la meilleure chose qui soit arrivée à la musique française » selon les Inrocks. Le pauvre ne culmine qu’à 24% et n’aura pas su résister au nouveau phénomène venu de Rennes, l’outsider auquel personne ne croyait mais qui remporte l’élection avec 51% des voix, le nouveau roi de la pop hexagonale, mesdames et messieurs : AMOUR POUBELLE !

Pour mieux comprendre cette victoire qu’aucun institut de sondage n’avait prévue, revenons sur une campagne mouvementée. Elle a débutée au sommet d’un HLM où, lors d’une froide nuit d’hiver, le dieu de la mélodie a trouvé refuge dans les rêves d’un jeune chômeur/branleur. « Ecoute gamin, j’ai déjà refilé mes pouvoirs à Brian Wilson et Paul McCartney mais il me faut du sang neuf. Comme tu n’as rien de mieux à faire, accepte ton destin« . L’élu a aussitôt testé ses capacités en enregistrant seul une démo sur un PC d’occasion. Pochette maison, chœurs assurés par la copine, petite entreprise lo-fi qui ne se prend pas au sérieux mais y met tout son coeur. Très vite, face à l’engouement des premiers adhérents du parti, il faut passer à la vitesse supérieure. Un second guitariste est recruté, la copine imite Linda derrière un synthé et notre jeune héros enregistre pour de vrai et en français son manifeste, un « Synergie Bis » disponible sur le net et en édition vinyle hautement limitée. Comptant sur le bouche à oreille et à un clip de campagne redoutable, le joyeux trio traverse la France à la rencontre de potentiels électeurs. Dans les clubs les plus branchés d’Angers et de Paris, la rumeur grandit et une jeunesse en quête de modèles se laisse peu à peu séduire par la sincérité de cet improbable messie. Le programme est simple : « venez chiller en locomotive, classe éco-tranquille« .

Forcément, un tel succès populaire enrage les rageux. On crie au scandale : trop lo-fi ! Trop de boîte à rythme ! Voix trop nonchalant pour être vraie ! Séquençage bordélique ! Pochette immonde ! Amour Poubelle ne se laisse pas démonter car, tel Macca enregistrant « RAM », il a la vérité de son côté et l’histoire lui donnera raison. L’histoire se souviendra de nos déhanchements sur la chanson-titre, d’avoir dragué en boite sur Pour te Plaire, des enfants conçus sur le slow La Nuit c’est Sentiment. Comment résister à la rencontre entre Daho et Pavement dans L’Ascenseur de mon Cœur ? Mille idées par morceau, une influence magnifiée derrière chaque riff (après tout, la campagne a été financée par les Pixies, les Breeders, Mac Demarco et les ayants-droits de Buddy Holly). Et puis il y a les textes, des considérations existentielles douces-amères que n’aurait pas renié Baudelaire : « des trips en Malaisie/sur la plage so lazy/c’est tout ce dont j’aspire avec toi ». La Femme écoute le tube Je te Ferais Mienne et donne sa démission. La France écoute Il n’y a pas d’amour et pleure car, peu importe impôts et fachos, le monde est beau et triste.

Co-citoyens, nous avons fait le bon choix.

https://amourpoubelle.bandcamp.com/

A la recherche des artistes en trans(e)        

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Un soir de septembre à Paris, lors d’un concert au Folie’s Pigalle, je m’étais retrouvé nez à nez avec le pénis gesticulant de la chanteuse drag la plus trash des Etats-Unis : Christeene. J’étais au premier rang, et j’essayais d’interpréter le joyeux bordel qui avait lieu à quelques centimètres de mes yeux incrédules.

Durant sa performance, l’artiste chantait de sa voix rauque des textes aux tonalités hip-hop. En même temps, elle agitait frénétiquement son engin, qu’elle dégainait par intermittences à la petite foule venue l’acclamer. C’est vêtu et grimée en authentique white trash texane qu’elle a ensuite entonnée sa chanson Fix My Dick, sans oublier d’exhiber ses fesses quand bon lui semblait.

La chanteuse, une punk invétérée, est un personnage inventé de toutes pièces. C’est le très subversif artiste transformiste Paul Soileau qui l’a créée. Christeene est son double version féminin et lugubre. Elle se définit comme une «  terroriste drag », en bref, elle veut « détruire pour créer ». Et sur sa kill-list se trouve une grand partie du monde de la nuit actuelle : «  Je ne vais pas m’assoir et attendre que le show business change et devienne plus inclusif, il faut se bouger le cul et anéantir le paysage nous-même » me dit-t-elle.

La chanteuse Christeene. Crédit : Michael Sharkey.

La chanteuse Christeene. Crédit : Michael Sharkey.

«Les artistes trans ont dégommés les portes du genre».

Ce soir-là, Christeene semblait nous dire d’aller tous nous faire foutre avec nos conventions débiles, qui font que les gens n’osent toujours pas se comporter librement, indépendamment du genre auquel ils ont été assignés. D’ailleurs elle ponctuait son show avec des gros fuck dirigés vers l’assistance en invectivant le public de sa voix éraillée. Elle veut bâtir son royaume déjanté et obscur sur les cendres de notre monde figé. Elle pense que « les artistes trans sont la preuve vivante, de la puissance et du mystère, de ce truc cloisonné, qu’on appelle le genre » Selon elle, « ils ont brisé le cadenas et ont dégommé la porte ». Plus tard dans la soirée, le rappeur afro-américain Mykki Blanco, véritable fer de lance de la culture queer a débarqué sur scène. Il portait une de ses innombrables perruques. Ce soir-là elle était blonde.

Ces deux artistes floutent les frontières du genre tout en adoptant les codes des trans. Ce mouvement artistique prend de l’ampleur, particulièrement dans le monde de la mode, mais ne bénéficie pas encore aux personnes ayant changé de sexe ou encore en transition. Dans une interview, Blanco refuse même de se définir comme trans : « Je n’aurais jamais pu avoir le temps d’être Mykki si j’avais été trans. Tous les jours auraient été une question de survie » confie-t-il.

La grosse omission

Naelle.

En creusant ma mémoire ainsi que les internets, je ne pouvais même pas nommer une star transgenre française actuelle. Pourtant j’étais persuadé que ces personnes font du bon son comme tout le monde. En quête de réponses, je suis allé voir Bruce, un petit gaillard trans, crâne rasé à blanc, et son amie Naëlle une sorte de reine futuriste de la nuit, trans aussi. Et je leur ai demandé où sont ces artistes invisibles. Ces deux-là en savent quelque chose car les soirées Shemale Trouble, destinées aux  « personnes trans, à leurs amants-es et à leurs alliés-es » sont leur invention.

Si leurs soirées suscitent un certain engouement, Naelle avoue qu’en France, et comme dans beaucoup de pays, « il y a encore du taff ». Les personnes trans sont bien souvent mal vues et marginalisées : « malgré la diversité des profils, beaucoup ont encore une image très stéréotypée et fantasmée quand on leur parle de trans » constate Bruce. La mannequin trans, Raya Martigny, s’est même fait traiter de «  monstre » par les managers d’une des boites les plus prisée de la capitale, alors même qu’elle venait y travailler. Pour ceux qui pensent que le monde de la nuit n’est que tolérance et liberté, prenez-en de la graine.

Quand j’évoque avec Naelle le milieu artistique trans parisien, elle bug : « y’en n’a pas beaucoup beaucoup. On les fait venir de loin ». Avec une entrée coutant seulement 8 euros, pour inclure les personnes «  paupérisées » et des artistes qu’il faut amener de partout, l’organisation est en fait une vraie galère.

Bruce et Naelle ne voulaient pas que leurs soirées soient « juste un prétexte pour publier des photos cool sur Facebook », mais bien l’occasion d’agir face « aux problèmes de visibilité des trans ». Faire en sorte que les trans soient mieux représentés dans le milieu du spectacle. Contrairement à Christeene, les deux tauliers de la nuit veulent «  construire plutôt que de détruire », et évoquent en souriant l’amour la bonne ambiance et l’énergie positive qui règne dans leurs soirées. C’est pourquoi, Bruce et Naelle n’ont pas «  une pancarte collée à la main », mais assurent tout de même que leur démarche est militante. Leur leitmotiv c’est un peu : ne faites pas la guerre, buvez des bières. Christeene n’a qu’à bien se tenir.

Tous deux l’avouent, réussir à sortir du ghetto queer et acquérir de la visibilité est difficile pour les artistes trans, « sauf si on est planqué ou si on ment par omission […] car les gens ne se mélangent pas beaucoup ».

Tous les fleurs d’un même bouquet 

C’est dans ce microcosme animé que j’ai fini par rencontrer Martin Gugger, un petit barbu mi-gabber mi-skatteur, et accessoirement membre du groupe Salut C’est Cool. Il est trans «  comme quelqu’un qui ferait du poney ». Traduction : il ne se cache pas mais n’en parle pas non plus, à moins qu’on lui pose la question. Il n’a jamais évoqué publiquement son genre même si ce n’est pas un secret dans le milieu.

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Martin Gugger et sa trotti. Crédit : David Simantov Lévi.

Le jeune artiste ne fait pas de son identité un combat permanent, mais pense que « c’est important qu’il y ai des personnes trans dans la culture populaire, pour que les gens développent une empathie pour eux ». Logique. Vous avez déjà vu un fan de Snoop Dog qui n’aime pas les noirs ?

Pour répondre aux problèmes de précarité, Martin et ses potes voulaient prouver qu’il est possible de réussir sans thune : « pas besoin du dernier synthé » pense-t-il. La joyeuse bande a fait le choix de produire, une musique aux beats et à la technicité basique, ainsi que des clips hallucinants fait-maison. Aujourd’hui, il reconnait sa position privilégiée : « ca coute cher de financer les opérations […] c’est plus compliqué pour ces personnes-là de faire de la musique, beaucoup laissent tomber ». Lui a eu la chance de rencontrer rapidement le succès, mais aussi d’avoir eu une famille qui a su le soutenir durant sa transition.

Avec ses acolytes, sortes d’éternels adolescents aux textes aussi gras que mes cheveux, ils s’autorisent beaucoup de choses. Et surtout la dérision. Ses complices et lui forment probablement la congrégation la plus loufoque de la décennie. Ils fredonnent que « nous sommes tous des fleurs, dans le même bouquet » et d’autres délires un peu hippies mais pas si absurdes. La preuve, dans le morceau Salam Aleykoum, Martin chante : « Me voilà sorti du mirage, j’ai le kiff au bout des doigts […]  j’ai enfin la paix ». Pour lui, ce texte évoque le moment où il est sorti de l’hôpital, après ses opérations. Il faut que les artistes trans s’expriment à propos de leurs expériences. « On a tous besoin de modèles, que ça soit nos parents ou un prof ». C’est sa conclusion.

Cinq minutes pour conquérir la scène

Eimar aussi veut transformer les artistes trans, et « toutes les personnes victimes du patriarcat » en modèles. Elle le fait en leur donnant la parole pendant cinq minutes. Il y a quelques mois, la jeune femme a créé la scène ouverte baptisée Self-ish, réservée exclusivement « aux meufs et aux trans ». Victime de « sexisme et de misogynie » dans des scènes ouvertes mixtes, réputées pourtant pour leur côté inclusif, Eiram a souhaité « créer un cercle vertueux qui commence par la prise de parole ».

Jena sur la scène ouverte Self-ish. Crédit : David Simantov Lévi.

Jena sur la scène ouverte Self-ish. Crédit : David Simantov Lévi.

Là encore, c’est bricolage et art de la débrouille. La sixième édition de Self-ish avait lieu dans le sous-sol du squat de La Petite Maison, il n’y avait nulle part où s’assoir, et des gens partout. Dans ce lieu militant, les fils électriques dénudés pendaient au plafond. Une petite odeur de pourriture flottait dans l’air, à cause d’une inondation qui condamnait une partie de la salle. Ambiance Nuit Debout avec plus de guitares et moins de mecs relous.

Eimar, rayonnante en M.C prévoyante, a commencé le show en intimant à la foule hétéroclite de garder son calme en cas d’incidents imprévus. Un petit escalier bien raide, était l’unique façon de sortir de la cave. Une trentaine de personne étaient présentes à la première édition. Ce soir-là on devait être plus d’une centaine. « Il suffit d’une personne pour lancer quelque chose » affirme-t-elle. A la fin de la soirée une boite en carton est passée entre les mains de tout le monde pour quêter les quelques sous qui serviront à l’organisation de la prochaine Sel-fish.

En France ces rencontres du troisième type ne se déroulent pas encore sous les projecteurs. En attendant que Christeene ne défonce la vielle garde musicale, on continuera à aller voir les artistes trans dans des lieux mystérieux et sous-terrain. Et on s’amusera à l’abri des regards obliques.

Avec ‘Rencontrer Looloo’, Chocolat rentre dans les tablettes du rock’n’roll

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On est meilleurs qu’R.E.M. N’importe quel groupe décidant d’ouvrir son album par un titre pareil s’avère soit complètement cinglé, soit complètement génial. Le titre du disque en question, « Rencontrer Looloo », comme le titre qui suit, Ah ouin, confirme que c’est un peu des deux ; le « un peu » étant ici à multiplier par cent tant ce troisième album dégueule de sons simultanés ; c’est un peu ce Ben & Jerry’s du rock’n’roll qui devrait aussi bien satisfaire les amateurs de grosses poêlés hard rock que les nostalgiques d’ambiances flippantes héritées du futur (Koyaanisqatsi, dédicace cachée à Philip Glass ?) ou ceux pour qui le rock garage actuel est devenu aussi conformiste qu’une chemise Vichy de François Fillon.

Si on peut encore une fois insister sur le fait qu’il faut être québécois pour se délester aussi facilement des complexes linguistiques chers à nos chanteurs français qui en sont encore à hésiter entre le oh yeah et le oh oui, Chocolat, dans sa dernière évolution Pokémon, apparaît tel qu’on a toujours révé d’entendre le rock hexagonal ; le son est ample, libéré de sa gaine ; et il faut souvent d’y reprendre à deux fois sur le tracklisting pour comprendre le lien logique entre des morceaux à triple couches de Nutella. Il y a le prog-rock typique des 70’s sur Golden Age (et miracle d’un exercice impossible, des paroles en V.F. sur un sax à fond les potards), le Led Zeppelin baveux qui s’invite sur Looloo et cette vision assez anachronique des Stones enregistrant leur « Exile » à la Villa Nellcote avec Balavoine sur Retrouver Looloo, un déluge de guitares et de cuivres d’où émergent difficilement des paroles incompréhensibles hurlées derrière la porte des WC du studio.

Le mode d’emploi du disque, la bio donc, évoque un concept album « rendant hommage à Looloo, demi-dieu issu des poussières galactiques avec une tête en forme de guitare et l’intelligence d’un musicien de hard rock ». Disons le clairement, on arrive au bout de ce troisième album (si tant est que « Piano Elégant » ne compte pas pour du beurre) sans avoir rien pigé à cette histoire, ni trouvé ce Looloo dont il est ici question. Ce qui est certain en revanche, c’est que cet OVNI – pour peu qu’on ait grandi avec le traumatisme Téléphone en trame de fond – a trouvé le langage universel, celui du lalala, qui permet de parler à n’importe qui en quatre mesures.

Chocolat // Rencontrer Looloo // Teenage Menopause
https://chocolatmtl.bandcamp.com/album/rencontrer-looloo

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