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« PULSION » D’OVIDIE ::: Le porno français, un genre qui tourne, avide ?

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« (…) Vous savez comment la vie et les films porno se terminent. La seule différence est que la vie commence par un orgasme » écrivait Palahniuk. Mercenaire de l’écriture, polyvalent peut-être comme les performeurs que j’allais rencontrer. Convié à la projection du prochain film d’Ovidie, coproduit et diffusé par Canal+ au cinéma Le Brady, c’était déjà en somme inédit ; la perspective d’aller festoyer ensuite avec le casting l’était encore plus. Ovidie, l’intello du porno, était celle qui allait révolutionner le genre, à coup sûr.

A point nommé, c’était d’ailleurs à se demander si nous n’entrions pas dans l’ère du porn-mainstream, pour le meilleur et pour le pire. Après Sasha Grey, l’Alt girl mimant la girlfriend expérience pour Soderbergh, c’était au tour de James Deen sur lequel les Inrocks se paluchaient allégrement. La nouvelle icone pop de The Canyons (sur un scénario du pornophile Bret Eston Ellis) était malheureusement un poil édulcorée par les grands caciques du journalisme culturel. C’était oublier qu’entre les porn-parodies et les gonzo, le sieur Deen à la belle gueule de boy next door est aussi l’un des piliers de Kink, un certes fort bon studio mais quand même foutrement extrême (allez les Inrocks, à quand un nouveau petit papier sur la « pornstar pour tous » en évoquant des viols collectifs scénarisés mais à la lumière, aux caméras et au jeu impeccable ?). Bref, pas vraiment la came des féministes ou des youporneurs classiques. La came des pseudos féministes, ce n’est pas non plus Belle Knox, cette jeune actrice étudiante du campus de Duke aux Etats-Unis. Pas de chance pour elle, ses camarades l’ont reconnu. Et autant dire que symboliquement, le lynchage, sinon le viol collectif, elle y a eu le droit. Elle s’est en retour fendue de tribunes où elle met une claque au féminisme branlant en illustrant fort bien que les chiennes de gardes anti-Orelsan sont bien meilleures comptables que féministes.

ill 3 - Ovidie

Le porno féministe, un puits sans fion

Sans plus de préliminaires, Ovidie, elle vient foutre quoi là-dedans ? Quoi, je ne vous l’ai pas dit ? J’aurais juré vous avoir déjà écrit qu’il ne s’agissait pas d’un porno comme les autres, mais d’un porno féministe ! Non ? Ah bon ? Ah mais si si, parce qu’il parait que sur le tournage c’était vachement sympa, même quand Ovidie arrive à la bourre, traite les techniciens comme de la merde en gueulant « il faut que je suce pour avoir un coca ? » ? En tout cas, à l’écran, j’ai rien vu ou presque et mon sang n’a fait qu’un tour (et pas pour aller là où il aurait dû) dès que les lumières se sont éteintes.

Tout avait pourtant bien commencé. L’ambiance était bonne, les femmes étaient – relativement – belles et même si je n’étais qu’un « +3 » sur une liste, j’étais de bonne composition. Quatre-vingt-dix personnes dans la salle plus tard, j’avais souri en coin lorsqu’il s’était avéré presque impossible de faire comprendre à trois acteurs porno que de se déplacer d’un rang permettrait à quatre personnes de s’assoir à leur droite, en me disant que les clichés pouvaient dormir en paix. J’avais encore souri quand ils avaient blagués sur le viagra au dépend de pastilles à la menthe. Pendant ce temps, la salle twittait, et en particulier Angell Summers, actrice à la retraite et depuis devenue coach sexuel mais belle et bien à l’affiche (l’un de ses 233 films à paraitre encore, probablement). J’étais enfin resté stoïque devant celle dont je savais avoir connu le nom à une époque (et que je ne voulais pas retrouver pour ne pas basculer dans la méchanceté) où elle n’était pas autant refaite et probablement encore capable d’exprimer des émotions humaines de par son visage.

Capitaine Orgazmo

Pour introduire son film, Ovidie a expliqué qu’un visionnage de porno durait en moyenne 12 minutes pour une femme, 3 pour un homme et que Pulsion, son film de 90 minutes, représentait ainsi trente fois le temps passé devant Youporn. Une blague plus tard sur l’incapacité potentielle de certains à se retenir, un acteur faisait la réflexion à voix basse que « c’est une très belle femme, plus belle que… », avant de se taire et qu’on tente de le confondre en lui demandant « que ‘qui’, tu allais dire ? ».

ill 4 - Nkm prend le metro« C’était notre film de vacances, notre colo » qu’elle a dit – « ça c’est sûr, on s’est bien éclatés » qu’ils ont répondu en cœur. « Même Mocky (ndlr, l’ancien proprio du Brady) ne faisais pas autant de plans » qu’il a ajouté. Ces phrases m’ont fait sourire un temps. Mais après 90 minutes, ça donne quoi ? Du réchauffé. Pendant un quart d’heure, le film m’a laissé croire qu’il pourrait en être un (et pas juste un prétexte porno). Un premier quart d’heure durant lequel le personnage féminin d’Eva, souffrant du très sérieux « syndrome d’excitation génitale persistante » (pouvant conduire au suicide) prend le métro, et fait inexorablement penser aux moments de « grâce » de NKM dans les transports en communs parisiens. Un premier quart d’heure durant lequel elle fonce ensuite se masturber aux toilettes dès son arrivée au boulot, puis pleure. Le tout sur une musique over-creepy digne de celle accompagnant les Maîtres des Tênébres de Fort Boyard. Le film pouvait s’arrêter là : une chronique choc d’un instant de quotidien d’une addict, et puis non. Ce sera une comédie porno dans l’esprit des années 70, et puis c’est tout. Mais pour assurer la transition, quoi de mieux qu’un instant Oscar ? Ovidie filmée en train de pleurer dans une scène de femme forte qui rompt – et ravage – avec Chris, un pauvre gars catatonique. Ce sera sa seule scène : merci d’envoyer toute proposition de film sérieuse (à savoir, sans bite) sur son compte twitter.

Le film démarre enfin quand le médecin propose à l’addict des techniques stupides (ah la cloche sur le front pendant qu’elle se masturbe, qu’on « rigole ») pour se contrôler avant de la convier à une thérapie de groupe dans un manoir (vous la sentez l’orgie réclamée par Canal + ?). Le tout, bien évidemment après que son patron ait menacé de la mettre à la porte à cause de ses absences masturbatoires répétées aux toilettes.  « C’est la crise, je reçois des dizaines de cv par jour » ; après NKM, c’est une véritable fresque sociale finement jouée qui fait penser à Article 23, c’est dire (regardez la bande annonce, vous verrez que la comparaison n’est pas si flatteuse ). Et le film commence enfin, pour un seul et unique décor, celui du manoir où toute la fine fleur du cinéma français pourra s’amuser à la campagne.

ill 5 - séminaire de la touze’
Sport collectif

Pour ce séminaire de la touze’, entre un médecin pas net et une assistante ancienne patiente (vraiment ? Vous aussi vous la sentez la rechute ?), il y aura : Eva ; Liza Del Sierra qui n’aime pas le sexe (« ahahah », ironie pour la plus grande performeuse du lot) ; une qui ne fait que s’exhiber en ligne (satire sociale, quand tu nous tiens) ; Angell Summers (qui a « besoin de danger » et dont le seul qu’elle prendra dans le film sera d’essayer de le faire sur une échelle et de se blesser à la cheville. Mais quelle casse-cou(illes) !) ; un couple adepte du candaulisme, un gigolo qui ne supporte plus le contact physique, un autre qui communique avec sa bite (oui, c’est censé être drôle. Tout comme le fait que ce sex-addict insupportable soit à deux doigts du viol tout au long du film. Ça aussi, c’est « marrant »), Franck, fétichiste marginal qui deviendra de plus en plus glauque (et aussi seul personnage amusant du film) et enfin, Chris, l’Ovidie’s reject. Pour aller vite, il y a une scène de baise à trois en pleine nuit avec des éclairages à la lampe torche (où la directive semble être « essaie de faire ça avec la lumière, ça sera sympa quand elle te sucera… oh et puis merde, tant pis, on aura essayé ») – dont l’actrice principale était situé au rang juste devant moi –, une partouse, un couple qui se forme (Spoiler : Eva et Chris), le couple adultère qui va pouvoir coucher ensemble à nouveau, Angell Summers qui est transportée comme une brouette dans une scène sans cul (féminisme, quand tu nous tiens), Liza Del Sierra qui part avant la fin sans scène de cul et au final, le médecin/psychologue/gourou qui s’avère un pervers travesti pas très net dans une scène finale qui rappelle les grandes heures de Bénabar.

Entre temps, Ovidie aura prouvé qu’elle ne sait pas monter un film ni tenir une caméra. Lors des scènes d’expositions, lors de champs/contrechamps, il est fréquent que les acteurs filmés n’importent comment sortent du cadre. Choix artistique ? Fort peu probable lorsque dans le même plan, la règle élémentaire des 180° censé au moins donner l’impression que deux personnages conversant se regardent est piétinée dans les grandes largeurs. Rajoutons à cela une musique ridicule et omniprésente, un concerto pour cul-nu, en inadéquation absolue avec ce qui se passe à l’écran, et étonnamment composée par… le compagnon d’Ovidie. Pour donner un ordre d’idée, certaines séquences laissaient d’avantage attendre la découverte d’un corps ou un viol collectif dans les bois. Rajoutons à cela un son tout aussi atroce que les musiques et mixé n’importe comment. Réhabiliter le genre ? Soyons sérieux, aucune ambition (si ce n’est d’arracher cinq à six sourires) ne se concrétise… Il s’agit avant tout d’une bande de potes prenant l’argent de Canal+ pour quinze jours de vacances. Et c’est là que le bât blesse, Ovidie l’a dit, elle voulait réaliser une comédie populaire. Le film fait donc penser à Dany Boon et à sa surenchère d’effets spéciaux afin de justifier son statut (ou pas) d’arnaqueur du box-office national. Ici on voudra rendre baroque, beau, émouvant, grandiloquent un téléfilm prémâché, surformaté pour la télé. Tout laisse à penser qu’Ovidie est tombé sur un article passionnant histoire de poser la sienne (d’histoire) avant d’en revenir à un schéma éculé (où quelques rares scènes amusantes ne suffisent pas à dynamiter le reste). Un sentiment renforcé quand le personnage principal transforme son addiction au cours d’une discussion en expliquant qu’elle a le problème de jouir n’importe quand (et plus d’avoir besoin de se faire jouir n’importe où). Vouloir faire les choses différemment – ce qui est plus que louable – ne devrait jamais être un prétexte pour refourguer de la merde, même à des abonnés.

« Les acteurs – comme les journalistes –, c’est là pour écouter les producteurs et exécuter », m’a dit le producteur. Dont acte.

PS : Puisqu’il faut mieux prévenir que guérir (n’est-ce pas Amee Donavan?) je préfère l’annoncer : n’allez pas croire à une once de puritanisme chez moi ou d’anti-porno primaire. Je n’ai même pas d’amertume quant au refus de mon scénario porno Partouse les saints qui touchait pourtant au climax dans une orgie finale anthologique de subversion (« je vais t’immaculer tellement profondément que tu ne te souviendras même pas du nom du père », « Oh, mon, dieu ! », qu’elle répondait). Au contraire donc, j’aime le vit à la dure et faire le con. C’est le fait que le genre en France soit aux mains de tacherons à tous les étages qui m’énerve. Puisque la production française est déjà dans les tréfonds depuis un âge d’or que les amateurs d’épilations ne peuvent pas connaitre, Ovidie ne peut que la sortir de cette perpétuelle spirale de médiocrité ininterrompue, n’est-ce pas ? Si son précédent film diffusé sur Canal a fait 300% d’audience en plus chez les femmes, ce n’est quand même pas simplement à cause de sa réputation, hein ? Hey, elle vient quand d’être primée au Feminist Porn Awards alors franchement, Ovidie elle est bonne réalisatrice/scénariste/féministe/pique-assiette ou pas ?


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